Légalisation sélective

Publié le 27 Mai 2023

L’époque n'est pas si lointaine, où  était à peine évoquée la constitutionnalité de pratiques  dans la vie nationale de certains états. Les actes gouvernementaux  se référaient parcimonieusement aux prescriptions constitutionnelles en vigueur. A la faveur du Vent d’est, celles-ci deviennent primordiales dans le traitement juridico-politique, socio-administrative, suscitant le droit de regard des principaux partenaires d'un pays tiers concerné.  La propension à privilégier les textes fondamentaux, dans la foulée du Vent d’Est, frisait du snobisme. Le monde perçu dans le dépassement d'idéologies allant à contre-courant du néo-libéralisme, ouvrirait les vannes de la liberté, de l’économie du marché, dans la modernité et la démocratie.

L’élaboration d’une loi fondamentale a la vocation de mettre en place des institutions, et d’activer le mécanisme régulateur correspondant. Elle indiquerait le cadre au sein duquel l'état veillant à la sécurité des personnes et des biens, les citoyens géreraient à des niveaux différents, les ressources du pays. Le consensus consacrerait la légalisation sélective des  choix avancés. La procédure constitutionnelle s’enroberait au final de la légitimité que lui confère un référendum. Le Royaume-Uni se consacrant à la coutume, ne conserve pas  de  constitution écrite. Pesanteurs socio-économiques et culturelles du milieu aidant, le législateur procède au discernement, en demeurant sensible aux  principes universels  prônés par la communauté internationale .Il élabore la constitution nationale qui intègre les règles d’un état de droit. Celle-là  devient ce que la qualité de son usage en fait pour marquer sa durabilité. Depuis 1787, subsiste  la constitution des U.S.A, en dépit des guerres, de l’abolition de l’esclavage, de la promotion des droits civiques, des crises socio-économiques, depuis trois siècles. Le souvenir d’événements antérieurs, aide à apposer les modalités pratiques pour répondre  aux faits prévisibles. La Constitution accuserait un vide juridique  dans les moments où sa flexibilité est à cours de répondant approprié   aux insuffisances avérées de sa substance. L'immobilisme constituerait un piège, dans la mesure où il serait le ferment de dégradation institutionnelle généralisée. La caducité établie de la loi fondamentale existante, conduit à une réforme constitutionnelle. Après la guerre d'Indochine, la France embrassait la Vème République en 1958, avant la fin des "événements d'Algérie" auxquels la précédente n'apportait pas de solution. En Allemagne, une nouvelle loi fondamentale fut adoptée en 1949, en  faisant table rase du passé nazi. Le texte n'est pas à l'abri d'un usage spécifique politique, différemment de ce qu'il contiendrait d'essentiellement juridique. Plusieurs chefs d’états d’Afrique procédèrent à leur manière, pour apporter prématurément des correctifs à la loi fondamentale. Certains sont accusés de tripatouiller celle-ci pour des raisons essentiellement personnelles. D’autres se préserveraient  des lendemains difficiles afin de ne pas répondre de leurs actes répréhensibles. A la constitution issue de consensus, est adopté  alternativement le texte "taillé sur mesure", émaillé d'ajout de commodités, ou de suppression des dispositifs indésirables. Les intéressés demanderaient la prolongation incongrue du mandat  en cours, ignorant le délai formel stipulé par la Loi fondamentale. Ils contournaient l'obligation de se soumettre à la loi, en prônant " le glissement", au-delà du délai légal pour se maintenir au pouvoir. La constitution semble une girouette livrée à tous les vents de calculs politiciens. Certains chefs d’états étaient reconduits dans leurs fonctions. La mobilisation citoyenne et les pressions affluant de multiples horizons, empêcheraient à d’autres de rempiler un mandat légalement inattendu. Lors de violentes manifestations, les destructions de biens publics et privés, s’ajoutaient au bilan macabre de pertes en vie humaine. L’improvisation de  règles pour des raisons électoralistes, ne conforte pas nécessairement  la démocratie, favorisent l’arbitraire, torpille l'instauration de l'état de droit.

En Algérie, Boutéflika envisageait  une constitution réformée; celle-ci inclurait la mise à l’écart de binationaux prétendant aux hautes fonctions politiques. Cependant, une partie de la diaspora algérienne représente un nombre important de personnes jouissant de la double nationalité. Outre les tentatives d’isoler des concitoyens, subsistaient celles d’entraver l’implication d’une partie qualifiée de la diaspora dans la gestion nationale. Apportant dans ce cadre une contradiction aux velléités rétrogrades, l’état du Bénin avait sollicité les services du Franco-béninois Lionel Zinsou. Ce dernier, en raison de ses compétences et sa réputation internationale, a été nommé Premier ministre avant d’être investi candidat pour briguer le fauteuil présidentiel en 2016. A l’inverse, Macky Sall préconisait d’exclure les binationaux qui brigueraient la magistrature suprême, alors que ses prédécesseurs ou leurs descendants jouissent de la double nationalité. Il proposa de réduire le septennat présidentiel à cinq ans, renouvelable une fois au Sénégal. La réduction qui serait applicable à son mandat en cours, était aussi un aspect d’atteinte à la constitution suivant laquelle il a été élu trois ans plus tôt. La Cour constitutionnelle rejeta ensuite sa proposition. A la suite de sa réélection  pour un second mandat, le chef de l’état sénégalais supprima le poste de premier ministre. Deux ans et demi plus tard, il réintroduisait  la dyarchie au sein de l’exécutif. Ouattara voudrait débarrasser la constitution ivoirienne des germes d’exclusion de citoyens, en s’appuyant sur les accords de Marcoussis. Il réforma la Loi fondamentale, en introduisant le poste de vice-président et l’instauration d’une chambre haute. Ayant ensuite brigué un troisième mandat dans le sillage des modifications constitutionnelles, le chef de l’état ivoirien entreverrait  le retrait des anciens dirigeants  des pouvoirs publics. A l’instar de certains états, l’âge du postulant à la magistrature suprême, serait celui du candidat qui ne serait ni un jeunot ni un vieillard.

Au gré des circonstances, la révision constitutionnelle fait l’objet de débats dans le cadre de la détention légale d’armes à feu aux USA, dans la foulée de l’état d’urgence adoptée en France, suite aux attaques meurtrières en 2015. L’opportunité menant à une modification de la loi fondamentale ne doit pas conduire vers la mise en péril de valeurs, tel  le retrait de la nationalité revendiqué par l’extrême-droite française, qui établirait une discrimination de fait entre Français de souche et ceux issus de l’immigration ; ce qui  rendrait apatrides les individus coupables d’actes terroristes en France. Au-delà d’être un sujet de division dans la classe politique française, la déchéance de la nationalité a néanmoins reflété un point de discorde ayant entrainé la démission de Christiane Taubira, ministre de la justice, garde des sceaux. Plus tard, à la suite de débats houleux au sein de la classe politique le texte relatif au motif de ce départ, a été retiré..

Rédigé par Le Soudanite

Publié dans #Chapitre 14

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