Un facteur social total

Publié le 1 Juin 2023

La Soudanie est considérée le plus pauvre espace continental. Des contraintes coutumières furent soumises à la législation foncière héritée de la colonisation. Celle-ci reposait essentiellement sur l’exploitation des richesses naturelles. «  Un trou, un drain vers la mer, c’est un suçoir », disait l’autre. Le régime  fonctionnait sur les bases d’une administration mise en place, comprenant les services judiciaires, scolaires,  de santé, d’urbanisation,  et l’évangélisation  autonome des missionnaires,  Le travail forcé, et les exactions qui avaient cours, en rajoutaient au confinement des cultures et du mode de vie  traditionnel  des populations dans leur terroir. Le personnel administratif  local préparé à assurer la relève, se mettait dans les bottes du colonisateur partant. Il héritait de la langue de communication de ce dernier, d’un état embryonnaire et  d’une  monnaie qui circule dans un espace comprenant plusieurs états distincts. La faiblesse du  moyen de paiement favoriserait les exportations des produits bruts. Par contre, le renchérissement des produits importés, réduit la consommation locale, à cause de la précarité massive de la population. Le territoire compte un dixième des consommateurs de la planète qui achète des produits finis en provenance d’horizons multiples. Les nations industrielles importent davantage de ressources naturelles qu’elles ne vendent des produits industriels aux pays fournisseurs des matières premières. La balance commerciale déséquilibrée entretenue, accroit l’endettement et entrave l’essor économique. Les pratiques gouvernementales, l’aide et la coopération, n’avaient pas suffisamment bénéficié aux Soudanites. Ces derniers  sont en proie aux crises récurrentes d’ordre sécuritaire, énergétique, alimentaire, écologique. Les revenus d’hydrocarbures, de minerais et des exportations agro-forestières, n’allaient pas dans le sens d’amélioration des conditions de vie des plus démunis. Les populations affrontent les difficultés auxquelles répondent leurs principaux partenaires étrangers par des plans d’austérité. Ceux-ci sont appliqués,   sans pénaliser l’économie globale. A coup de réformes, les restrictions envisagées à l’endroit des Soudanites, feraient dépasser l’impasse économique dans laquelle ces derniers  seraient plongés, maîtriser la dette et les déficits. Les rigueurs adoptées visent à assainir la fiscalité, contrôler les dépenses publiques, augmenter les recettes de l’état, accompagnent  dans une mesure l’afflux de capitaux, encouragent l’initiative privée. Le libéralisme basé sur la quête du profit, évolue dans un cadre géopolitique ; à visage plus« humain », il freinerait la détérioration des termes de l’échange, et  réduirait les inégalités.

La Soudanie fait l’objet d’accaparement de ses  terres, dans une perspective d’expansion,  de continuité territoriale par les transnationales, les pétromonarchies, les puissances émergentes. La production agricole, à l’instar des minerais, n’est pas transformée sur-place pour faire davantage profiter aux populations autochtones. Dans une perspective de recadrage du monde paysan, les travailleurs de la terre bénéficieraient de formation aux techniques rudimentaires, d’octroi du matériel adéquat et d’intrants agricoles, pour optimiser la production  locale. L’étape  postcoloniale en rupture supposée avec celle qui prévalait, illustrerait  la mise en place des jalons menant  au développement économique et social des pays africains. L’approvisionnement des matières premières est assuré par les principaux acteurs des échanges mondiaux. Leurs prix sur les places boursières sont fixés, suivant les lois du marché, dans lesquelles pèse  peu  l’assentiment des autorités locales des états .producteurs de matières brutes.  Les fournisseurs  vendraient les matières premières  aux meilleurs prix, dans la perspective d’améliorer  les conditions de vie nationales. L’embellie  d’un taux à deux chiffres de croissance annuelle, annoncée à cor et à cris, n’est généralement pas répercutée dans le panier de la ménagère. Néanmoins, quarante-cinq pour cent de la population  dépensent moyennement dix dollars par jour. Cette catégorie sociale relativement privilégiée, entretient une famille nucléaire au foyer. Elle est généralement visible dans les quartiers résidentiels urbains, hors des milieux défavorisés. Le cercle familial traditionnel, plutôt élargi, repose sur la solidarité et le partage des revenus. La redistribution des richesses créées, est opérée dans un contexte inégalitaire. Elle met en avant la primauté d’une classe minoritaire privilégiée face à la majorité des individus vivant dans la pauvreté.                                               

L’époque coloniale formelle révolue, n’excluait pas le rayonnement de la France dans ses anciennes colonies. Certains esprits critiques et des factions militantes s’insurgent occasionnellement  contre ce qui s’apparenterait aux réflexes d’anciens colonisateurs. La territorialité  francophone dédoublée d’Afrique centrale et de l’Ouest, est particulièrement confondue  à  un pré carré où sont mixés à la fois les intérêts géostratégiques, politiques, monétaires, économiques  publics et privés. La survivance du moyen de paiement hérité, perpétuerait le droit de regard de l’ancienne  métropole sur la gouvernance  de la territorialité concernée. Nécessité économique oblige, la valeur monétaire résulterait de la volonté politique des intéressés.

Le franc CFA créé en 1945, symbolise un vestige colonial français en ex A.O.F, et dans l’ancienne A.E.F. Il revêt un fait social total. La Mauritanie,  dans un élan de souverainisme, s’en est dispensée, en créant l’ouguiya; le Mali et la Guinée-Conakry, ont respectivement tenté de mettre à jour  leur monnaie nationale respective, avant de trouver des accommodements avec l’ex métropole, par rapport à la zone monétaire. Le franc CFA est rattaché à l’euro, depuis que la France intégrait la zone de la monnaie unique de l’Union européenne. Il est utilisé par quatorze pays africains; seules la Guinée-Bissau lusophone et la Guinée-équatoriale hispanophone, ne sont pas des états francophones, en dépit de leur proximité respective avec les autres membres d’une même  zone monétaire. Le président français, parrain potentiel de réforme éventuelle et son homologue ivoirien, ont annoncé  le remplacement du franc CFA par l’Eco. L’effet de surprise qui accompagne le lancement d’une telle création, remettait sur le tapis le projet du moyen de paiement qui relevait d’une programmation antérieure en 1983, par les états de la Cedeao. Cette organisation régionale regroupe aussi les pays anglophones et la Guinée-Conakry, utilisant chacun sa propre monnaie. Celle annoncée par les deux protagonistes à Abidjan, au cours de l’année finissante 2019, serait dépouillée d’une appellation refoulée aux calendes grecques, de la réserve monétaire qui garantit la valeur accordée au franc CFA, par l’entremise du trésor de l’ancienne métropole, et des compétences décisionnelles relevant du personnel français qui encadre le système financier concerné. Supprimer cet aménagement mènerait à envisager un statut du nouveau moyen de paiement en perspective. Cette communication survient consécutivement à la remise en cause réclamée de la monnaie commune à plusieurs états d’Afrique centrale et de l’ouest; elle succède aussi au scepticisme affiché par l’opinion locale sur la crédibilité du maintien des troupes françaises dans les pays du Sahel ; la lutte contre le terrorisme pendant plusieurs années, n’ayant pas produit les résultats escomptés.

Rédigé par Le Soudanite

Publié dans #Chapitre 15

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